En mars 2014, la plus grande enquête sur des affaires de corruption et de blanchiment de capitaux au Brésil a été ouverte. Appelée Opération Lava Jato, ses premiers suspects faisaient partie d’un réseau d’opérateurs financiers spécialisés dans les opérations de change clandestines et de blanchiment d’argent. Depuis lors, l’opération Lava Jato a généré des centaines de mandats d’arrêt, de déclarations de culpabilité et de classements de faillite au Brésil, en Argentine, au Pérou, en Angola, etc. Ces enquêtes ont permis d’identifier les principaux clients des opérateurs financiers : politiciens corrompus et entrepreneurs corrupteurs – la plupart d’entre eux étant liés au secteur pétrolier 1http://www.mpf.mp.br/grandes-casos/lava-jato .
En plus des conséquences judiciaires de l’opération, la Lava Jato a également modifié la dynamique de la politique brésilienne. Alors que les partis traditionnels ont perdu du terrain en raison de leur implication dans les crimes faisant l’objet d’enquêtes, de nouveaux groupes ont comblé le vide politique avec des programmes contre la corruption et contre la politique en général. Un exemple est l’élection présidentielle en décembre 2018 de Jair Bolsonaro, qui a été élu avec un discours radical et antidémocratique, soutenu par le parti PSL jusque-là dénué de pertinence lors des élections nationales 2https://www.estadao.com.br/infograficos/politica,com-apenas-um-deputado-eleito-em-2014-psl-se-torna-segunda-maior-bancada-da-camara-em-2018,927028 .
En raison de l’ampleur de l’enquête sur la corruption et le blanchiment d’argent et de ses effets sur la politique nationale, plusieurs parallèles ont été établis avec un cas similaire rencontré en Italie dans les années 90, l’opération Mani Pulite. Cette opération a provoqué une crise dramatique dans le système politique italien : elle a impliqué six anciens premiers ministres, plus de cinq cents parlementaires et des milliers d’hommes d’affaires et de fonctionnaires accusés ou reconnus coupables de fraude, corruption, blanchiment d’argent, et d’autres crimes 3LIMA PASCOETTO, L.G. (2016). Mani Pulite fonte de inspiração da operação Lava Jato. Cadernos de Pos-Graduação em Direito, Universidade de São Paulo .
Comme au Brésil, Mani Pulite a transformé le système de partis politiques en Italie. Elle a fait de la place pour de nouveaux acteurs comme Forza Italia de Berlusconi. Depuis mai 2001, date à laquelle la coalition dirigée par Berlusconi a remporté les élections, des efforts ont été déployés pour supprimer la corruption de l’agenda national, ainsi qu’une série de mesures ayant abouti à un affaiblissement de la législation anticorruption 4VANNUCCI, Alberto. (2009). The Controversial Legacy of Mani Pulite: A critical analysis of Italian Corruption and Anti-Corruption Policies. Bulletin of Italian Politics, Vol.1 No. 2, p. 233-64 .
L’autorité de prévention de la corruption a été supprimée et remplacée par le service de lutte contre la corruption et la transparence, dont le champ d’activité, le budget et les ressources humaines ont été réduits. En outre, des lois susceptibles de faciliter l’impunité dans les affaires de corruption et de blanchiment de capitaux ont été adoptées, notamment des lois promouvant des restrictions à l’admissibilité des preuves obtenues à l’étranger, facilitant le transfert d’affaires à d’autres tribunaux à cause de soupçons de partialité, diminuant le temps de prescription pour divers crimes – y compris les crimes en col blanc, etc. Certaines lois ont été jugées partiellement ou totalement inconstitutionnelles et plusieurs restent en vigueur. Mani Pulite a finalement créé un héritage controversé en aggravant le cadre italien de lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent 5Ref. 4 .
Depuis l’inauguration de Jair Bolsonaro le 1er janvier 2019, une tendance similaire peut être observée au Brésil, notamment en ce qui concerne les efforts visant à affaiblir la cellule de renseignement financier brésilienne, la Commission de contrôle des activités financières (COAF).
Les premières cellules de renseignement financier (CRF) ont été créées au début des années 90, après la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988, la première convention internationale à criminaliser le blanchiment d’argent. Leur but était la centralisation, l’analyse et la diffusion des informations financières afin de soutenir la lutte contre le blanchiment d’argent. En 1995, un groupe de CRFs a décidé de créer un réseau international pour la coopération, échange d’informations et de connaissances, baptisé Groupe Egmont 6https://egmontgroup.org/en/content/about . En 2003, le Groupe d’action financière internationale (GAFI) a inclus dans ses recommandations la création de CRFs autonomes pour structurer de manière minimale les cadres nationaux de lutte contre le blanchiment d’argent 7GAFI (2012), Recommandations du GAFI – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour octobre 2016, GAFI, Paris, France, p. 100-103 .
Le GAFI, le groupe Egmont, ainsi que d’autres acteurs internationaux tels que les Nations Unies et le Comité de Bâle, ont formulé des recommandations et contribué à la création et au renforcement technique de diverses CRFs dans le monde. L’analyse de ces orientations internationales et la comparaison avec les récents événements survenus dans la CRF du Brésil montrent à quel point la cellule brésilienne est de moins en moins adaptée aux normes internationales sur plusieurs fronts, notamment en ce qui concerne son indépendance.
La Convention des Nations Unies contre la corruption indique que les agences de lutte contre la corruption doivent être suffisamment indépendantes et alignées sur les principes fondamentaux du système juridique national pour leur permettre de fonctionner efficacement et sans influence indue 8Nations Unies (2004), Convention des Nations Unies Contre la Corruption, p.10 . Selon le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, les agents de surveillance doivent disposer d’une «indépendance opérationnelle, de processus transparents, d’une bonne gouvernance ainsi que des processus budgétaires qui lui confèrent autonomie et ressources suffisantes» et d’un cadre réglementaire incluant «la protection juridique de l’autorité de contrôle» 9Comité de Bale sur le contrôle bancaire (2012), Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, p.10 .
Dans le même ordre, la Recommandation 29 du GAFI stipule qu’une CRF doit être «opérationnellement indépendante et autonome» et avoir la capacité et l’autorité nécessaires pour «exercer librement ses fonctions, notamment de décider en toute autonomie d’analyser, de demander et/ou de disséminer des informations spécifiques» et plus particulièrement jouissant «le droit de transmettre ou disséminer des informations aux autorités compétentes de façon indépendante» 10GAFI (2012), Recommandations du GAFI – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour octobre 2016, GAFI, Paris, France, p. 102 .
La CRF brésilienne, COAF, a été créée en mars 1998 avec l’adoption de la loi 9.613. Le COAF devait, selon l’article 14, «recevoir, examiner et identifier les cas présumés d’activités illicites» signalées par les institutions financières, ainsi que «faire rapport aux autorités compétentes de poursuite lorsqu’il conclut qu’il existe des infractions de blanchiment d’argent» 11http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/leis/L9613compilado.htm . Jusque-là, le droit brésilien était aligné sur les Recommandations du GAFI.
Sur la base de ces dispositions, de 1998 à 2018, le COAF a reçu plus de 17 millions de rapports d’activités financières suspectes, dont 414’000 en 2018, qui ont contribué à l’enquête de divers crimes 12COAF (2018), Relatorio de Atividades 2018 .
Le 1er janvier 2019, déjà sous le président Bolsonaro, l’autonomie du COAF en matière de diffusion de l’information s’est affaiblie avec la publication du décret 9.663 13http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_Ato2019-2022/2019/Decreto/D9663.htm . Le nouveau décret a supprimé quelques responsabilités du COAF, telles que demander des enquêtes aux organes compétents lorsqu’il découvre des opérations suspectes. Plus grave, le décret interdisait la fourniture ou la divulgation d’informations secrètes connues ou obtenues à la suite de l’exercice de leurs fonctions.
Outre le plan législatif, la compétence du COAF en matière de diffusion de l’information s’est également aggravée dans le système judiciaire à la suite de la décision prise en juillet 2019 par le Tribunal fédéral.
Le ministre de la Cour suprême, Dias Toffoli, a jugé que les informations obtenues par le ministère public dans le cadre d’une coopération avec le COAF, Fisco et Bacen ne pourraient pas être utilisées comme preuves sans autorisation judiciaire préalable, car elles seraient le résultat d’une violation illégale du secret bancaire et fiscal. La décision a été prise dans le cadre d’une action intentée contre le fils de l’actuel président brésilien et sénateur de l’État de Rio de Janeiro, Flavio Bolsonaro, qui a été accusé de s’approprier une partie du salaire de ses conseillers. Toffoli a décidé d’étendre la décision à toutes les procédures qui utilisaient des informations obtenues de ces organes jusqu’à ce que la plénière du tribunal examine la question le 21 novembre 201914 https://www.conjur.com.br/dl/leia-decisao-toffoli-suspendeu.pdf .
La décision du ministre a créé un circuit illogique dans la lutte contre le blanchiment d’argent au Brésil, en vue de plusieurs enquêtes ouvertes par le ministère public ayant été les résultats d’informations fournies par le COAF. Selon cette décision, les procureurs devraient demander l’autorisation de violation du secret bancaire pour obtenir de telles informations, mais dans plusieurs cas, les informations fournies par la COAF constituent la source initiale des enquêtes. Si le COAF ne peut pas communiquer au parquet des informations concernant les activités financières suspectes, les procureurs ne peuvent pas analyser les données qu’ils n’ont pas reçues et n’ont donc pas de motif pour demander une autorisation de violation du secret bancaire.
Depuis cette décision, selon une enquête du ministère public, au moins 700 processus sont bloqués car ils utilisaient des données de COAF, Fisco ou Bacen 15https://www1.folha.uol.com.br/poder/2019/10/decisao-de-toffoli-sobre-coaf-trava-ao-menos-700-investigacoes-na-justica.shtml . Plusieurs procureurs, avocats et spécialistes brésiliens ont déploré la décision du tribunal. La procureure générale, Raquel Dodge, a déclaré que cette décision pourrait conduire le Brésil sur la liste noire du GAFI 16https://exame.abril.com.br/brasil/decisao-de-toffoli-sobre-coaf-pode-barrar-brasil-na-ocde/ .
La recommandation 9 du GAFI indique clairement que les lois sur le secret bancaire ne doivent pas empêcher la mise en œuvre de leurs recommandations 17GAFI (2012), Recommandations du GAFI – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour octobre 2016, GAFI, Paris, France, p. 14 . En fait, jusqu’en janvier 2019, le COAF disposait de la base légale non seulement pour recevoir, mais aussi pour diffuser des informations concernant des activités financières suspectes – informations considérées comme confidentielles par la loi complémentaire 105 18http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/LEIS/LCP/Lcp105.htm , au Brésil. Bien que le décret 9.663 indique la compétence du COAF pour diffuser des informations lorsqu’il découvre des soupçons d’infraction pénale, l’interdiction de diffuser des informations confidentielles et la décision de la Cour suprême vident et contredisent cette compétence, étant donné que la quasi-totalité des informations communiquées par les institutions financières sont considérées comme confidentielles par la loi complémentaire 105.
Un autre revers identifié contre le COAF s’est produit en juin 2019, lorsque l’agence de presse The Intercept Brasil a commencé une série de rapports signés par son fondateur, le journaliste Glenn Greenwald, concernant des irrégularités de l’opération Lava Jato, notamment les agissements du juge de l’époque, Sergio Moro 19https://theintercept.com/series/mensagens-lava-jato/ .
Moro a été assermenté ministre de la Justice par Bolsonaro et, en vertu du même décret 9.663 précité, il est également passé à commander le COAF, qui a été transféré du ministère de l’Économie au ministère de la Justice.
Deux jours après la publication d’articles qui remettaient en cause la performance de Moro dans l’affaire Lava Jato, le COAF, placé sous son autorité, a envoyé un rapport sur des transactions financières présumées suspectes de David Miranda, député fédéral de Rio de Janeiro, opposant du gouvernement Bolsonaro et mari de Glenn Greenwald, journaliste de l’ Intercept
Brasil. Les informations ont été rendues publiques et ont suscité des préoccupations concernant la liberté d’expression au Brésil 20https://www1.folha.uol.com.br/poder/2019/09/coaf-relata-movimentacao-atipica-de-r-25-milhoes-em-conta-de-david-miranda.shtml .
Le barreau brésilien a demandé des explications au COAF, car il avait compris que ses actions risquaient de porter atteinte aux droits à la liberté d’expression et à la liberté de la presse 21http://s.oab.org.br/arquivos/2019/07/fbfa668e-a642-4d13-bedf-1a78c756a16f.pdf . Le bureau du procureur de la Cour fédérale des comptes a engagé une procédure sur d’éventuelles déviations des objectifs du COAF et a demandé la suspension de l’enquête 22https://www.conjur.com.br/dl/mpf-tcu-informe-coaf-investigando.pdf . L’Organisation des États américains, avec les Nations Unies et la Commission interaméricaine des droits de l’homme, a publié une déclaration dans laquelle elle répudie les menaces contre le journaliste Glenn Greenwald et sa famille 23http://www.oas.org/es/cidh/expresion/showarticle.asp?artID=1145&lID=2 . En septembre 2019, le juge de la 16e cour des finances publiques de Rio de Janeiro a rejeté la demande du ministère public de violer le secret bancaire de David Miranda 24https://exame.abril.com.br/brasil/juiz-nega-quebra-de-sigilo-de-david-miranda-apos-relatorio-do-coaf/ .
La déviation possible des activités du COAF est contraire à la recommandation 29 du GAFI, selon laquelle chaque CRF devrait pouvoir exercer ses fonctions sans influence politique ni ingérence25 Ref. 10 . Le groupe Egmont précise également que les CRFs ne doivent pas être influencées ni par les agences d’État auxquelles elles appartiennent, ni par des influences politiques, y compris dans le choix des cas à analyser 26Groupe Egmont (2018), Comprendre l’indépendance opérationnelle d’une CRF et son autonomie, p.14-18 .
Depuis sa création jusqu’en 2019, le COAF faisait partie du ministère de l’Économie. De 2003 à 2018, la cellule avait un seul président, qui s’est retiré et a cédé la place à Antonio Carlos Ferreira de Sousa, l’un des directeurs du COAF à l’époque 27http://www.fazenda.gov.br/noticias/2018/maio/antonio-ferreira-de-sousa-e-o-novo-presidente-do-coaf . Quelques mois après son entrée en fonction, Ferreira de Sousa a été démis. Aucune des situations évoquées dans les statuts du COAF permettant la perte de ses fonctions n’a été identifiée. Roberto Leonel de Oliveira Lima a été assermenté à la présidence du COAF le 1er janvier 2019, lorsque la cellule a été transférée au ministère de la Justice. Oliveira Lima était un auditeur fiscal et avait agi dans des affaires de blanchiment d’argent jugées par Moro 28https://www.conjur.com.br/2019-ago-20/ligado-moro-roberto-leonel-deixa-comando-antigo-coaf .
Oliveira Lima a perdu son mandat en août 2019 après avoir critiqué la décision de la Cour suprême, citée ci-dessus, interdisant la diffusion d’informations par le COAF – une décision favorable au fils du Président Bolsonaro 29https://www1.folha.uol.com.br/poder/2019/08/bc-indica-servidor-de-carreira-para-substituir-aliado-de-moro-no-novo-coaf.shtml . La critique publique faite par Oliveira Lima peut avoir été comprise comme une violation de l’interdiction d’exprimer un avis sur un processus en cours, l’une des situations possibles de perte de mandat dans le règlement du COAF.
Cependant le président Bolsonaro a non seulement retiré Oliveira Lima de la présidence du COAF, mais a également modifié la garde de l’unité en la transférant, dans la mesure provisoire 893, du ministère de la Justice à la Banque centrale du Brésil, qui fait partie du ministère de l’Economie. Selon les analystes politiques, ces changements sont dus à l’insatisfaction du président à l’égard du ministre de la Justice, Sergio Moro, et de son équipe 30https://monitordigital.com.br/decisao-politica-leva-coaf-para-o-bc .
Après une période stable de plus de 15 ans avec le même président et sous la même structure ministérielle, de janvier à août 2019, le COAF était dirigé par trois présidents et a changé de ministère trois fois. Bien que la démission d’Oliveira Lima puisse être justifiée, celle de Ferreira de Sousa n’avait pas base apparente dans le règlement de la cellule. On ne peut pas non plus expliquer par des motivations techniques le changement successif de structures auquel le COAF a appartenu tout au long de 2019.
Selon le groupe Egmont, le processus de révocation des présidents des CRFs est un indicateur important de l’indépendance et de l’autonomie opérationnelle de l’organe. Les motifs de licenciement doivent être transparents et basés sur de mauvaises performances ou manquement aux devoirs 31Groupe Egmont (2018), Comprendre l’indépendance opérationnelle d’une CRF et son autonomie, p.18 . Ces éléments n’ayant pas été identifiés lors de la démission de Ferreira de Sousa, on peut dire qu’elle était contraire à cette disposition du groupe Egmont.
Bien que le GAFI ne se prononce pas sur les risques découlant de l’instabilité des CRFs, tels que les changements successifs de structure ou de présidence, l’agence indique que les influences politiques ne devraient pas modifier les activités de routine de l’agence 32GAFI (2012), Recommandations du GAFI – Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la prolifération, mise à jour octobre 2016, GAFI, Paris, France, p. 99 , qui résultent de la stabilité opérationnelle – dépendent de la présidence et de la structure dans laquelle se trouve la CRF. Selon des politologues brésiliens, les changements successifs apportés au COAF s’inscrivent dans le contexte de l’insatisfaction du président Bolsonaro à l’égard de son ministre de la Justice et non de raisons techniques. Les décisions de Bolsonaro peuvent donc être considérées comme des influences politiques indues sur l’administration de l’agence, qui caractérise encore un autre indicateur de l’affaiblissement récent du COAF.
Comme expliqué ci-dessus, depuis le début de 2019, la responsabilité du COAF de diffuser des informations sur d’éventuels crimes de blanchiment de capitaux a été affaiblie par de nouvelles règles et par les décisions de la justice brésilienne. Les activités de la CRF ont été potentiellement instrumentalisées dans la poursuite d’intentions politiques d’intimidation de journalistes, et ont ainsi vu des changements administratifs successifs résultant de mouvements politiques. Ensemble, ces éléments ont entraîné une diminution de la capacité du COAF à examiner et identifier les cas présumés d’activité illicite et à coopérer librement avec les autorités répressives. En conséquence, le rôle du COAF dans la lutte contre le blanchiment d’argent a été de plus en plus affaibli.
Outre les attaques subies par le COAF, la lutte contre le blanchiment d’argent au Brésil présente d’autres difficultés, comme la loi sur les abus d’autorité adoptée en septembre 2019, qui définit de manière très large et subjective les situations où les juges et les procureurs peuvent être punis d’abus de pouvoir, pouvant entraîner des actes d’intimidation et une atteinte à l’indépendance des procureurs et des juges.
Selon l’OCDE, la loi sur l’abus de pouvoir et les événements récents impliquant le COAF étaient considérés comme des revers qui, si maintenus, pourraient menacer la capacité du Brésil à lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent.
Lorsque l’opération Lava Jato a été instituée, elle a, à l’instar de l’opération Mani Pulite en Italie, placé la corruption au centre du débat politique au Brésil – ainsi que l’espoir de mettre fin à la corruption. Suite aux profonds changements politiques apportés par l’opération Lava Jato, c’est possible d’observer des évolutions législatives et judiciaires au Brésil similaires à celles en Italie après Mani Pulite, telles que l’affaiblissement de la cellule de renseignement financier et les nouvelles lois limitant la capacité des procureurs et des juges à agir avec autonomie – contrairement aux directives du GAFI, de l’OCDE, du Groupe Egmont et des Principes de Bâle. À en juger par les derniers événements survenus au Brésil dans la lutte contre le blanchiment d’argent, les efforts récents semblent désirer transformer la «lutte» en «suggestion».