Pénurie de main-d’œuvre et IA dans les métiers de la Supply Chain
Contexte et enjeux
Au quatrième trimestre 2024, l’emploi en Suisse a enregistré une croissance modérée de 0,9% par rapport à l’année précédente (OFS, 2025). Toutefois, malgré une baisse du nombre de postes vacants, les difficultés liées au recrutement de personnel qualifié restent importantes. Selon Économie suisse, il manquera environ 460’000 employés à temps plein dans le pays d’ici à dix ans (Économie suisse, 2024). Parmi les domaines touchés figure la supply chain.
Ses métiers jouent un rôle central dans la coordination des flux physiques, d’information et financiers entre les acteurs économiques. Cette pénurie affecte directement l’efficacité des opérations, la compétitivité des entreprises, et conduit parfois à l’épuisement des équipes en place ou au recrutement de personnel insuffisamment qualifié. Dans ce contexte, l’IA apparaît comme un levier potentiel pour renforcer la résilience et l’autonomisation des organisations. Toutefois, son application n’est pas sans conséquences sur l’emploi, puisqu’elle peut entraîner l’automatisation partielle ou totale de certaines fonctions.
Objectifs
L’étude exploratoire PenurIA vise à analyser comment l’intelligence artificielle (IA) pourrait constituer une réponse efficace et durable à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les métiers de la supply chain.
Financement
Projet financé par la HES-SO
Résultats
Le projet repose sur une enquête en ligne, des entretiens semi-directifs avec 10 organisations suisses, et une cartographie des solutions IA complétée par une revue de littérature. Au total, nous avons recueilli 103 réponses complètes d’entreprises situées majoritairement en Suisse romande.
Les secteurs les plus représentés sont l’industrie manufacturière, suivi du commerce et du transport et entreposage reflétant la diversité des domaines concernés par les métiers de la supply chain. Plus de deux tiers des répondants (70 %) signalent un niveau de difficulté modéré à très élevé pour le recrutement de personnel qualifié (niveaux 3 à 5 sur une échelle de 1 à 5), ce qui souligne l’ampleur du phénomène.
À l’inverse, seuls 19,5 % déclarent avoir peu ou pas du tout de difficultés de recrutement, tandis que 10,7 % déclarent ne pas savoir. Cette distribution confirme que les tensions sur le marché du travail dans les métiers de la supply chain sont largement répandues, bien qu’elles soient perçues avec une intensité variable selon les entreprises.
Les compétences les plus recherchées sont d’abord techniques (planification, systèmes d’information, gestion des approvisionnements), puis sociales, linguistiques et digitales.

Les résultats du questionnaire confirment que la pénurie de personnel qualifié dans la supply chain a des répercussions concrètes et multiples sur les entreprises. Les conséquences les plus fréquemment citées sont la surcharge de travail (59,2%), le report de projets (43,7%) et la perte de capacité à innover (40,8%).
À la question « Votre entreprise utilise-t-elle actuellement des solutions d’intelligence artificielle dans la gestion de la supply chain ? », 37% des entreprises répondent par l’affirmative. Un tiers est en phase d’évaluation, tandis que 29% n’ont pas encore engagé de démarche. Certains secteurs, comme le commerce, affichent une adoption plus marquée. D’autres, comme l’industrie manufacturière, semblent moins avancés.

L’analyse statistique ne met pas en évidence de lien significatif entre l’usage de l’IA et le niveau de difficulté de recrutement. L’IA n’est donc pas encore perçue comme une réponse directe à la pénurie. En revanche, les entreprises ayant déjà adopté l’IA déclarent majoritairement vouloir en élargir l’usage dans les 12 à 36 mois. Cela suppose que les entreprises ayant déjà recours à l’IA perçoivent des effets positifs, ou du moins suffisamment encourageants pour augmenter progressivement l’utilisation de ces solutions.
Finalement, 66% des répondants considèrent que l’IA ne constitue pas une menace pour l’emploi dans la supply chain. 25% y voient un risque, tandis que 9% ne se prononcent pas.